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Le blog d'Eva Roque

Il a 4 ans et une télé en couleur...

Il a 4 ans et une télé en couleur...

Je ne sais pas qui est Jérôme. Il est le symbole de la magie qui s'est opérée il y a 3 semaines sur ce blog. Des tas de rencontres. Des tas de souvenirs surtout comme ceux de ce Toulousain qui vit à Strasbourg. Quand je lui ai demandé de se présenter, il m'a juste dit : "je viens d'avoir 50 ans, je regarde, je rigole, j'aime bien être avec des gens que j'aime et passer du temps avec eux. Et à part ça, je travaille un peu".

Je vous laisse entre ses mains et ses jolis souvenirs de ballon rond quand il était enfant.

Eva

 

Mes souvenirs de ma carrière de footballeur
​et de supporter à moi que j’ai

Ca commence en 1968. Un jour, je suis chez mes grands-parents, avenue Crampel, à Toulouse. J’ai  4 ans. On sonne à la porte et je descends ouvrir avec ma cousine Catherine. Là, deux mecs habillés en blanc disent : « C’est pour la télé couleur ». Ma cousine crie : « C’est pour la télé couleur ». Réponse de ma grand-mère, un étage plus haut : «Dis-leur d’en monter une ! »
Oh putain, la télé en couleurs. Pas en noir et blanc. Les films, les dessins animés, tout ça.
Et puis mon grand-père me l’a dit : tous les matchs allaient être en couleurs. Une révolution.
Non, parce que tu vois, chez mes grands-parents, il y avait mes grands parents, leurs 5 enfants, leurs belles-filles, leur petits enfants. Et tous les adultes fumaient hein ! Les jours de matchs, tout le monde se retrouvait là (et ça fumait de plus belle) et ça commentait. Moi, je regardais ça d’une fesse distraite. Attends, j’ai 4 ans, alors je préfère mes petites voitures.

Et puis après, comme beaucoup de garçons, j’ai commencé à jouer au ballon.

La première fois, c’était dans la cour de l’école Jules Julien. J’étais en CE1, avec Monsieur Georges. J’ai 6 ans parce que j’ai un an d’avance. Monsieur Georges, il était rigolo. Involontairement ! Il portait une blouse grise, tout le temps. Et il écartait les jambes très loin l’une de l’autre pour écrire en bas du tableau pour ne pas avoir à se baisser et se faire mal au dos. Ca nous faisait bien rigoler.
Sa blouse, il la gardait même pour jouer au football. On faisait des buts dans la cour avec des poubelles grises en métal. Celles avec le couvercle. Et ça courait, et ça tapait. Même qu’une fois on a cassé un carreau. Monsieur Georges il était bien embêté. Et la fois d’après il nous a demandé de faire attention à ne pas en casser un autre.

A Toulouse, pas loin de chez mes grands-parents, il y avait l’île du Ramier. Et sur cette île, un stade. Le stade ! Le Stadium ! J’ai rêvé pendant des années d’y entrer. D’aller y voir un match. Je demandais, la réponse était toujours la même. Tu es trop petit.

Au collège, à Ramonville St Agne, football. Tous les jours après la cantine. Et puis en sport. Et là, on commence à se dire qu’on est tel ou tel joueur sur le terrain. Moi, je jouais goal. Tout le temps. Pas parce que j’étais nul dans les autres postes, mais parce que j’aimais bien ça et que j’étais pas trop mauvais. Sauf que je plongeais pas quand on jouait sur du goudron. Alors les autres tiraient à ras de terre et je dégageais comme je pouvais. Mais avec style, tu vois. Comme s’il y avait des caméras. Je te parle d’une époque où je mettais les gants en cuir troués donnés par ma grand-mère pour me donner un style. Et je me prenais aussi pour Rocheteau. Oui, Rocheteau gardien de but. Et alors ?

Le lendemain de la finale de Glasgow (pour les profanes, St Etienne a perdu 1-0 contre le Bayern de Munich), on avait sport. Donc foot. Et puis Claude Manzato a dit : « Eh monsieur, si les poteaux avaient été ronds… ». Le prof de sport l’a regardé. Il a hurlé : « Les poteaux étaient carrés pour tout le monde. » Et on est allé courir le long du canal du Midi. Pas de foot. Claude Manzato, je te l’ai pas encore dit, mais merde quoi, t’aurais pas pu la fermer un peu ? On aurait joué au foot au lieu de courir.

Changement de collège après la sixième (deux années merveilleuses) pour rentrer en cinquième.
Et là, le foot devient important.  Je veux dire qu’il commence à y avoir des matchs à la télé, que je peux veiller un peu (une mi-temps) parce que ça commence à 20h30.
Mais je n’y connais absolument rien. Un jour à la cantine, les autres parlent foot, et puis la sentence terrible tombe : « Toi, t’y connais rien en foot. » La honte internationale !
Ca tombe bien, ma grand-mère vient de m’abonner à Onze pour mon anniversaire. Bon, elle s’est plantée et j’ai été abonné à Mondial. Plus élitiste, plus intello, moins de photos. Par contre, j’en ai appris des choses sur le foot. Et je me suis rendu compte que ce que je lisais, je le retenais. Pas que pour le foot. Pour tout. Sauf les maths. Plus tard, ça aide. (sauf pour les maths. Oui je sais je l’ai déjà dit, mais c’est pour dire que j’aime vraiment pas les maths)
Et puis à la fin de l’année, la récompense suprême. Discussion foot à la cantine. Et là, la consécration tombe : « Putain con (on est à Toulouse, c’est pas une insulte), tu t’y connais plus que tout le monde en foot, toi, con (tu vois, on est vraiment à Toulouse)».

Entre temps, je me suis inscrit à l’UST. Plus tard, ça deviendra le TFC. Et je joue gardien, en minimes. Dans l’équipe C. La moins bonne. Premier match, première action. Je sors, j’entends bing, j’en déduis que le ballon a heurté la barre (ou le poteau, j’ai pas des yeux dans le dos, excusez moi !) et puis pfttttt, que le ballon glisse contre les filets et que ça fait 1 à 0 pour les autres. Bien sûr je me fais engueuler par les copains. Il faut savoir qu’à cet âge-là, quand tu prends un but, c’est toujours la faute du gardien. Après aussi, très souvent, mais là, encore plus.
Mais pendant la deuxième mi-temps je fais deux arrêts, les copains marquent deux fois et on gagne. Il fait nuit quand on rentre, je suis trempé, j’ai froid. Mais je m’en fous, j’ai joué au foot sur un vrai terrain, la nuit avec de l’éclairage. Comme à la télé.
Chaque fois que je prends la rocade à Toulouse, je regarde ce terrain de mes premiers exploits. Je ne comprends pas qu’il n’y ait pas une plaque pour rappeler tout ça, mais bon… Après, j’ai joué quelques fois dans l’équipe B et j’ai été remplaçant dans l’équipe A. Mais le mec qui était gardien de l’équipe A, Georges, a fini par jouer chez les pros pendant quelques saisons des années plus tard. Je crois qu’il a ruiné ma carrière.

Ce qui est bien quand tu joues à l’UST en 1977, c’est que tu as une carte qui te permet d’aller voir tous les matchs de 2ème division gratuitement. Alors, un dimanche, je dis à ma mère : « Cet après midi, je vais au stadium voir jouer l’UST ». Et là, elle me répond : « D’accord ! »
Quoi ? J’ai bien entendu ? Je suis assez grand. J’ai un semblant de duvet au dessus de la lèvre et quelques jolis boutons viennent, ça et là, orner mon visage délicat.
Mais oh putain, je vais rentrer dans le stadium ! Le plus beau jour de ma vie de footballeur après celui où j’ai eu la vignette Michel Platini dans mon album Panini quelques années avant.

Alors je vais au Stadium. J’arrive en avance, pour ne pas être dérangé par la foule, le stade contient quand même 30.000 places, ça va être la cohue quoi… et je passe tout de suite. A tout péter, on devait être 3.000. Mais je m’en cogne. Une dame me dit :  « Asseyez-vous là. » Un banc en bois dans la tribune principale. Des piliers un peu partout dans le stade, ça gêne un peu la vue, mais c’est pas grave.  Ce stade, le Stadium, est surnommé le petit Wembley. A cause des piliers.
Et là, dans ce stade quasi vide, un vieux monsieur, un très vieux monsieur d’au moins, pfiew… 50 ans, vient s’assoir à côté de moi. Et il commence à taper la discute. Je m’en souviens comme si c’était hier de ce con. Il me parle foot. Mais pas que !

« Mais tu vois jeune homme (Jérôme, pas jeune homme), le foot c’est bien, mais le capitaine de la France là, Marius Trésor, c’est un noir. Ca devrait pas exister un capitaine noir ». Là, je ne l’écoute plus, ce connard, ce vieillard. La dame qui m’a placé sur ce banc passe pas loin et je lui demande si je peux changer de place. Elle me dit « Mais bien sûr » et je me casse loin de ce croulant et de son discours de merde. J’ai pas encore 13 ans mais je sais que ça, je ne peux pas l’entendre.

Je me souviens que pendant le match j’ai mangé des cacahuètes à 20 centimes. Et qu’à un moment un joueur de l’UST a envoyé le ballon derrière le but, dans les tribunes vides, et que là tout le monde était vachement embêté. Il n’y avait qu’un ballon dans le stade. Alors on a attendu qu’un monsieur avec une clé aille ouvrir la tribune, trouve le ballon et le jette sur le terrain. Il a reçu la plus belle ovation de sa vie. Un geste pur, élégant… et le ballon est tombé sur la pelouse. Le gardien l’a applaudi aussi.

A Noël, j’ai eu un vrai ballon en cuir. Noir et blanc. Un jour, je vais le faire gonfler à la station service et paf, trop gonflé, il éclate. Oh putain j’ai pleuré. Ouais, j’ai pleuré pour un ballon avant de pleurer pour une fille. J’ai pas pleuré longtemps, ma mère m’en a acheté un autre chez Carrefour (à Portet sur Garonne). Et il était encore mieux.

C’est l’époque où le samedi soir dans ma chambre, joliment décorée avec de magnifiques posters de Cruijf, de Rep, de Platini, j’écoute à la radio les journées de 1ère division. Nantes, St Etienne… et les autres. Je n ‘ai pas le droit de voir Téléfoot, ça commence à 23 heures ou à minuit. (pour les plus jeunes, le magnétoscope n’est pas inventé alors je te parle pas d’un lien en streaming pour voir le match commenté en turc sur un ordinateur)

Téléfoot, justement, je l’ai vu une fois, un soir où j’étais malade et où j’avais passé l’après-midi à dormir. Et puis le générique (oui, à l’époque c’était novateur et drôle, et alors ?)…
 

Un soir, en 1977, il y a un match super important. J’ai 13 ans et la France joue sa qualification pour la coupe du monde en Argentine contre les Bulgares. Un mercredi, j’ai école le lendemain mais j’ai le droit de voir le match. Oh putain que c’était bien. 1-0, 2-0, 2-1 puis 3-1. Hidalgo qui pleure, porté en triomphe par ses joueurs, il a un k-way ridicule sur la tête, mais ce jour là, il devient le meilleur entraîneur du monde.

Le lendemain, à 8 heures, il y a français. Le prof est un peu en retard et tout le monde rentre dans la classe. Certains sont en retard. Claude Ochs arrive, le sourire aux lèvres et il balance, royal : « Les Bulgares sont dans le yaourt ». Tout le monde a vu la banderole avec ce slogan à la télé la veille, mais lui, il balance ça comme si c’était sa vanne. On l’aime bien alors on fait « ah ah ». Pas plus !

Eté 1978. Je suis allé passer 3 jours chez mes cousins. En face des chez eux, il y a un terrain vague, avec deux buts, distants d’une vingtaine de mètres, qui ont été fabriqués avec des restes de palettes. Autant te dire que ça ressemble autant au stade de France que la plage de (mettre ici le nom de votre plage pourrie préférée) à Copacabana. Mais là-bas, j’ai marqué un coup franc… de rêve. Le plus simple serait de revoir les images mais je crois que l’INA a eu un problème technique et qu’il n’existe malheureusement plus aucun témoignage de cette fin d’après-midi parfaite. Un léger problème technique. Ou la glorieuse incertitude du sport. Enfin un truc comme ça.

Toujours en 1978, je quitte Toulouse juste après ce moment de gloire pour aller vivre à la Réunion. Là bas, le foot, c’est quelque chose. Tous les garçons y jouent et il y a des supers équipes. Dont une qui s’appelle Monaco. Si, je te jure.  Il y a un mec qui commente le foot à la télévision sur RFO qui s’appelle Mohamed El Monzef Zarouk. Une star. Mondialement connue… à la Réunion. Le gars commente un match de la St Pierroise contre Bras-Panon comme si c’était la finale de la coupe du monde. Genre : « SupEEEErbe geste technique de Grondin ! » Ouais bah le mec a fait un contrôle de la poitrine quoi. 

Là-bas, j’ai assisté à des matchs rigolos. Le gardien qui se fait lober du milieu du terrain, le gardien qui laisse le but vide parce qu’il drague une fille derrière ses cages et prend un but, l’arbitre habillé en costard cravate, tout ça, je l’ai vu.

Et puis j’ai joué au foot, dans l’équipe du collège. Toujours gardien. Premier match, on joue contre le lycée du Butor, sur leur terrain. Je sais pas si c’est le public, (y’avait personne), le soleil ou la chaleur, mais on finit la première mi-temps sur le score héroïque de 5 à 0. Contre nous ! Repos de 15 minutes, et là, les autres disent : « Avec un goal aussi nul, on peut que perdre ». Notre prof de gym et entraineur les regarde et il dit : « Moi, le goal, je l’ai trouvé plutôt très bon. Par contre, les défenseurs, quand vous récupérez un ballon dans la surface, pas besoin d’essayer de dribler la terre entière pour essayer de marquer. Ca nous a déjà couté 5 buts. » J’ai bombé le torse… et on a pris 4 buts de plus en seconde mi-temps. Belle progression par rapport à la première mi-temps.

Par contre, les matchs à la télé, c’est plus possible. Parce qu’avec les 2 ou 3 heures de décalage avec la métropole, les retransmissions commencent à 23h ou à minuit.

Et puis je rentre à Toulouse pour faire l’école hôtelière. Et là, pendant le sport… bah on joue au foot, sous le regard d’un prof de sport qui reste dans le car. (je te jure, le jour de Krysna, j’ai pensé que c’était un « tribute » comme disent les Anglais). Il passait toute l’année avec le même survet sur le dos. Et il ne faisait rien. A part lire l’Equipe.

Arrive le jour du match de football dont on se souvient tous. Enfin ceux qui étaient nés.

1982. Coupe du monde, Séville, demi-finale contre l’Allemagne.
C’est l’été et je suis en stage à Moissac. Pendant mes études à l’école hôtelière, je travaille comme cuisinier. Mais le patron de l’hôtel n’a rien à me faire faire. Son hôtel restaurant accueille, les bons jours, 4 à 5 clients. Ce soir là, c’est 0. Et je me retrouve barman. Le soir de la ½ finale ! Pas de télé dans le bar de l’hôtel 4 étoiles. Ca ne se fait pas, voyons. Juste moi, la terrasse et les quelques clients.
Donc, je n’ai pas vu le match. Je l’ai vécu en terrasse. Il fait chaud. Les fenêtres de toutes les maisons sont ouvertes et je suis le match «comme à la radio ». En mieux. Il y a cette place déserte, la chaleur, les platanes, la boucle du Tarn.
A chaque but de la France, la clameur qui s’élève, de plus en plus forte. Une fois, deux fois, trois fois. Et puis… Le reste tout le monde connait, chacun a sa version. Et moi je vous rappelle que je n’ai rien vu en direct.

Bon, j’ai été un peu long. Mais j’ai résumé 18 ans de début de « carrière » en 4 pages. C’est à peine un peu plus long que 140 caractères.

Jérôme (@the_real_jerome)
 

 

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A
Et tout d'un coup je comprends pourquoi un jour j'ai eu l'idée géniale de suive @the_rel_jerome sur twitter... :-)
Répondre
J
Merci Averell :-)