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Le blog d'Eva Roque

40 ans, une corde à sauter et moi...

Je ne sais pas vraiment comment tout ça a commencé. 
Une association d'idées. D'images pour être exactes.

Et mon cerveau qui accumule des données pendant plusieurs semaines.


Le film Ali sur Arte, ces abdos d'hommes ostentatoires, cette plaque de chocolat que j'ingurgite devant l'écran, la télécommande posée sur le dernier numéro de Vital proposant des recettes miracles pour avoir un corps parfait, et mes baskets qui traînent sous mes yeux.
Un beau bordel dans mon cerveau... 


Le lendemain, parc Monceau pour un séance de jogging. 
10km au milieu des poussettes, trottinettes et autres coureurs. 
Et mes yeux qui s'égarent sur un garçon et... Sa corde à sauter.
À force de regarder mes pompes en courant, je n'ai jamais fait attention à ces fous de la corde qui s'agitent sur place dans un coin du parc.
Deux tours plus tard, il est toujours là. Le bruit de la corde, ses bras serrés le long de son buste, la sueur sur son front, la corde presque invisible tellement elle brasse l'air à grande vitesse. 


Quelques jours ont passé. Je m'engouffre dans un magasin Décathlon pour acheter une paire de basket. Et évidement, comme à chaque fois, je suis ressortie sans chaussure, mais avec un énième tee-shirt, 3 paquets de barres d'Ovolmatine, des chaussettes (parce que je n'ai pas résolu le mystère de la chaussette orpheline comme tout le monde) et... une corde à sauter. 
Noire. J'ai évité la rose. 
Le monsieur de Décathlon l'avait mise en tête de gondole. Mon cerveau a buggé : Ali, les tablettes de chocolat, corps parfait, le garçon du parc Monceau et me voilà à la caisse avec ma corde à sauter.


Chez moi, séance bricolage façon Kinder surprise ou meuble Ikea (je vous laisse le choix). Objectif : mettre ce satané engin à ma taille. Dévisser une des poignées, couper la corde (j'ai utilisé un couteau japonais digne d'une hache, sachez le) et se dire qu'il valait mieux essayer ce nouveau sport à l'extérieur. À défaut de démonter l'appart et surtout voir le plancher s'effondrer chez le voisin.


Retour au parc donc.
Pour 10km de footing d'abord. Du jazz plein les oreilles et des questions existentielles. Saurais-je faire de la corde à sauter ? Combien de temps vais-je tenir ? Sauts de cabris ou petits bonds tout simples ? Et si je n'y arrivais pas, que faire de cette corde ? 
Non, pitié, pas de pensée scabreuse. Je dois rester concentrée. 


Dans mes souvenirs de gosse, j'étais pas une as. Ni de la corde à sauter, ni de l'élastique (pour ceux qui ne savent pas ce qu'est l'élastique, laissez tomber). 
Ne me dites pas que c'est comme le vélo "on oublie pas". Parce que justement le vélo, j'oublie régulièrement... La preuve, il y a encore trois semaines, quand ma tête est venue percuter ce parcmètre qui s'était mis sur ma route (bilan médical : nez fêlé, traumatisme crânien).
Je pensais à tout ça en courant, tentant de retarder le moment fatidique de "j'ai 40 ans et je vais faire de la corde à sauter".


Il est 18 heures, pas grand monde en ce jour d'août.
J'ai trouvé un coin planqué dans le parc.
Premier saut, la corde se fige dans mes pieds.
Deuxième saut, troisième et... 
La corde qui ne redescend pas vers le sol.
La rebelle ! Elle a préféré se nicher dans la branche de l'arbre sensé me protéger des regards indiscrets...


Entre des envies d'insultes et un fou rire qui se dessine au fond de ma gorge, d'un coup sec, la revoilà à mes pieds.
Et moi, me voilà surtout condamnée à faire de la corde à sauter sur l'esplanade bétonnée dénudée d'arbre. Comme tout le monde. 
Une fille enchaîne de petits sauts désynchronisés, casque sur les oreilles. Et une grâce absolue.
A ses côtés, un garçon musclé imite Ali.


Et moi, pauvre gourde avec ma corde à sauter, à maudire Arte, Vital, Décathlon et toutes ces théories sur le culte du corps... 
Mens sana in corpore sano...


Tu parles... 
Le ridicule ne tuant pas, je m'élance.
Trois sauts. La corde qui échoue dans mes chevilles. 
Serrer les dents, ignorer le sourire vaguement moqueur du garçon, penser à mes abdos en train de se former sous mon tee-shirt (oui et alors ? Laissez moi y croire). 
Et c'est parti.
Oui, oui... 
Ne riez pas. 
J'ai réussi. 
Le bruit de la corde, les pieds qui se détachent légèrement du sol, les poignets qui bougent à peine, les perles de sueur qui glissent le long de mes tempes...
Youpi, je fais de la corde à sauter ! J'ai 4 ans et je vis! 
Un feu d'artifice de sensations et de satisfaction.


Un moment délicieux qui a duré...10 minutes. 


Parce qu'au bout de 10 mn, j'ai tout compris.
Compris que mon corps possédait des muscles que je n'avais jamais sollicités. Du bout de mes orteils jusqu'au creux des mes épaules.
Compris pourquoi cette pratique, c'est bon pour le cardio comme a dit le monsieur de Décathlon, et redécouvrir le sens de  l'expression "mon cœur s'est emballé".
Compris pourquoi les boxeurs ont des abdos sculptés.
Compris pourquoi, surtout, il est déconseillé de courir une heure avant une séance de corde à sauter (sauf si vous êtes un athlète de haut niveau).


A bout de souffle, j'ai déserté le bout de bitume du parc Monceau, traînant ma corde, ma fatigue et mes courbatures... Me jurant que je parviendrai - un jour - à dompter cet engin de malheur. 


Tiens, si j'allais sauter (à la corde)... ?



 

40 ans, une corde à sauter et moi...
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N
🤣🤣🤣
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C
La corde à sauter...un véritable sport :)
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C
Pour éviter de vous emmêler vous pouvez la choisir ici http://sautiller.com
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P
j'ai 39 ans, et je fais aussi la corde à sauter ... devant ma maison, devant tout le monde ... super article
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N
Mais que je ris ! sans jamais avoir réussi à en refaire .... tu m'as donné envie OK OK d'abord dans mon parking à l'abri des regards ^^
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S
C'est tellement bien écrit que les images viennent facilement accompagner les mots ! quelle fourre de rire ! Merci Eva ...... "se dire qu'il valait mieux essayer ce nouveau sport à l'extérieur. À défaut de démonter l'appart et surtout voir le plancher s'effondrer chez le voisin."
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