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Le blog d'Eva Roque

Un homme, un exploit, la vie

(Photo Sébastien Boué/L'Équipe)

(Photo Sébastien Boué/L'Équipe)

C'était il y a quelques semaines, à l'université d'Avignon. A l'invitation de Virginie Spies, professeur et chercheur - une de ses jolies rencontres faites sur les réseaux sociaux - me voilà devant une quarantaine d'étudiants pour parler du métier de journaliste.

 

Une des questions à laquelle j'ai dû répondre fut  : "Quand vous aviez 12 ans, souhaitiez-vous être journaliste ?".

Un sourire. Et le passé qui vous revient comme une grosse vague de nostalgie. Se souvenir de cet imprimé destiné à la conseillère d'orientation sur lequel il me semble avoir écrit "professeur, assistante sociale ou journaliste". Sans doute le mot de "scénariste" est apparu quelque part.

Dans mon entourage, il se dit que j'ai toujours voulu faire ce métier. Journaliste.

Je sais avec certitude que toute toute toute petite j'aimais lire. Et écrire.

 

Le temps a passé. Et devant ces étudiants, j'avoue avoir été un peu désemparée. Oui, depuis que je suis enfant, je rêve de ce métier. Mais pourquoi ? Je pourrai invoquer l'esprit de curiosité, le désir de faire des rencontres, partir en reportage... Mais c'est plus que cela.

 

Cet après-midi, j'attendais avec impatience le film de Cédric Klapisch sur Renaud Lavillenie, "L'élévation". Un cinéaste, un sportif, une rencontre un jour de pluie dans un café. L'envie de faire un doc ensemble. Klapisch a commencé à tourner le 14 février à Donetsk, la ville où Sergueï Bubka franchissait en 1993 la barre de 6,15m. Depuis, aucun homme n'était allé plus haut.

Le 15 février, sous le regard admiratif et embué de larmes du cinéaste, Lavillenie s'envolait. Haut. Plus haut. 6,16m. Ce qui devait être un film de 52mn tourné pendant deux ans, se transformait en un premier documentaire de 26mn monté en une semaine... Et diffusé tout à l'heure.

Imaginer Klapisch en salle de montage. Choisir les images, les séquences. Raconter une histoire. Choisir les mots. Ne pas se laisser envahir par un pathos inutile. Trouver le rythme du récit comme Lavillenie martèle la piste en tartan avant de décoller. Proposer un autre regard sur l'exploit, sur l'homme. Ne pas se contenter des 3 secondes de franchissement d'une barre.

Parce que l'histoire est ailleurs. Avant et après ce moment. Parce que le portrait de cet athlète devient une histoire universelle. Klapisch donnait un sens à l'exploit, à la vie de Lavillenie. Et un sens au monde.

Le sport n'est qu'une matière. L'intérêt tient dans ce regard que pose Klapisch sur un homme et sur la vie. D'autres ont choisi l'art, l'actualité, la politique... Qu'importe. Seul le regard compte.

 

Comme Klapisch, j'ai pratiqué l'athlétisme. Les séances d'entraînement le soir après les cours. Le froid parfois, le découragement, l'effort, la souffrance, la joie, la complicité avec les athlètes du club, les lignes de départ et d'arrivée... Courir sans savoir réellement pour quoi. Pour s'élever peut-être comme dit Klapisch. Une élévation métaphysique.

J'avais 12 ans.

 

Aujourd'hui, je sais pourquoi j'ai voulu devenir journaliste. Par curiosité, pour les rencontres, pour écrire. Pour raconter des histoires. Poser un regard. Sur les autres. Sur le monde. Sur moi aussi sans doute. Et trouver du sens.

 

PS : Le documentaire intitulé "L'élévation" est produit par Victor Robert. Victor est aussi fondateur et rédacteur en chef, avec Adrien Bosc, de la revue Desports dont je vous ai déjà parlée. Il est toujours question de sport, d'hommes et de femmes, d'épopées, d'Histoire et d'histoires. De la vie. De la cohérence.

PS (2) : Virginies Spies, vous pouvez la retrouver sur Facebook et sur Twitter @semioblog

 

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G
Encore une fois bravo pour ton phrasé Eva, c'est toujours passionnant de te lire :-)
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G
Petit sourire en lisant ton article... À 12 ans je me souviens bien de ce que j'écrivais sur la petite feuille que l'on remplissait pour les profs du collège... Entre la profession des parents et les activités sportives (moi c'était le patinage artistique plus que les couloirs de piste d'athlétisme) il y avait ce que l'on voulait faire plus tard... Et j'écrivais JOURNALISTE. Mais moi je n'ai pas réalisé ce rêve ;-)
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P
Passionnant récit. La naissance d' une journaliste qui fait un flash back sur les raisons qui lui ont fait choisir une profession, en le narrant à des jeunes en quêtes de réponses quant au choix de ce métier ! Super intéressant.<br /> Merci Eva.
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D
C'est incroyable comme tu arrives à m'emporter à chaque fois en quelques mots !! Merci Eva!
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